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Art hispanique JF
18 février 2018

Jorge Semprun Le mort qu'il faut

Le Mort qu'il faut est un récit roman autobiographique de Jorge Semprún qui se déroule dans le camp de concentration de Buchenwald.

                                                       
            Jorge Semprún : Portrait  Maurice Halbwachs : Les cadres sociaux de la mémoire

Référence : Jorge Semprún, "Le Mort qu'il faut", éditions Gallimard, collection Blanche, 208 pages, 2001, isbn 207075975X, "Le Mort qu'il faut", 'Post-scriptum au Grand Voyage', éditions Gallimard, 2001

« La vie en soi, pour elle-même, n'est pas sacrée : il faudra bien s'habituer à cette terrible nudité métaphysique. » (Jorge Semprun - Adieu vive clarté...)

Il aura fallu à Jorge Semprun plus de cinquante ans pour parler de cet épisode de sa vie dans le camp de concentration de Buchenwald. Il ne la mentionne ni dans Le Grand Voyage ni dans L'Écriture ou la Vie ses deux livres précédents qui décrivent la vie de Buchenwald. C'est au cours d'une conversation avec le peintre Zoran Music, plus exactement à partir d'un dessin représentant deux cadavres allongés tête-bêche, que resurgirent ses souvenirs.

Cette fraternité dans la mort apparaît déjà dans L'Écriture ou la Vie avec la mort de son ami et professeur Maurice Halbwachs. Mais ici, face à l'agonie du mort qu'il faut, de François L avec qui il avait parlé littérature, Semprun ne peut prononcer une parole. Dans cette espèce de tombeau qu'est à l'aube ce lieu, le Lager, « salle des sans-espoir », il tente de recueillir quelques bribes de paroles balbutiées par cette bouche inerte. François L, avant de sombrer dans « l'éternité de la mort » tente d'articuler quelques sons mais Semprun ne distingue que cette bride "nihil", prononcée deux fois.

Ce n'est que cinquante ans plus tard qu'il repensera à ces syllabes prononcées par François L quand il adapte Les Troyennes de Sénèque pour le théâtre de Séville, ce vers qu'il retrouve : « Il n'y a rien après mort, la mort elle-même n'est rien. »

        

Résumé et contenu

Quand une note arrive au camp, venant de la Direction centrale des camps de concentration à Berlin, ce n'est jamais bon signe. Elle aboutit sur le bureau de la Politische Abteilung, l'antenne de la Gestapo de Buchenwald. Il s'agit d'une demande de renseignements sur un certain Jorge Semprun. L'intéressé n'est pas trop inquiet, ce n'est qu'un obscur exécutant, un anonyme dans le camp.

Mais on s'organise, prenant les précautions nécessaires en pareil cas. Les camarades de l'organisation communiste clandestine qui ont intercepté la note de Berlin décident de mettre en place la solution utilisée dans une telle situation : envoyer Semprun à l'infirmerie et lui donner l'identité d'un certain François L qui est agonisant. Ainsi se met en place le mécanisme de changement d'identité dans un face-à-face avec la mort.

C'est comme si Semprun tardait à aborder la question essentielle, celle de l'identité, la sienne qui dit être écartée en raison du danger, celle de cet être mourant qui va perdre et sa vie et son identité. Son écriture indirecte, où la mémoire hésite à défiler les événements, où la chronologie n'a pas sa place, nous conduit dans la longue nuit au Lager, revenant sur des moments, sur des lieux, sur ces fameuses latrines de Buchenwald, « lieu d'asile et de liberté » unique, hors du regard des nazis qui n'y pénètrent jamais.

Il revoit les visites du dimanche à son ami et professeur Maurice Halbwachs, autour du châlit du bloc 56, évoquant le passé. Son refuge, c'est aussi la présence constante de la poésie, la récitation silencieuse de poèmes qui l'obligent à d'énormes efforts de mémoire mais lui permet d'oublier la promiscuité du camp. C'est là qu'il apprendra que les camps ne sont pas l'apanage de l'Allemagne nazie et qu'il en existe aussi en URSS.

Il glane des renseignements sur François L, ce « quasi-mort qu'il faut », cet homme dont il "usurpe" l'identité. C'est un étudiant parisien, fils d'un des chefs de la Milice française, « ce mort vivant était un jeune frère, mon double peut-être, mon Doppelgänger : un autre moi-même ou moi-même en tant qu'autre. » Il lui restait à lui Jorge Semprun, au-delà du devoir de mémoire, d'écrire ces pages pour faire revivre cet homme dépossédé de son histoire, de son identité, d'écrire et décrire cette mort pour qu'au moins à travers les liens qu'elle a forgés, elle prenne un sens.

Œuvres de Semprun sur cette époque

Autres œuvres sur cette époque

  • Primo Levi, "Si c'est un homme" (Se questo è un uomo), Mémoires, 1947 et 1958
  • Marguerite Duras, "La Douleur", Éditions POL, 1985
  • Robert Antelme, "L'Espèce humaine", Éditions Gallimard, 1947, rééditions en 1957 et 1999

Voir aussi :

  • François-Jean Authier, "Le texte qu'il faut... réécriture et métatexte dans Le mort qu'il faut de Jorge Semprun, Travaux et recherches de l'UMLV, autour de Semprun, numéro spécial, 65-78, mai 2003

Liens externes

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