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Art hispanique JF
16 février 2018

Jorge Semprùn à Paris

Balade littéraire dans le Paris de Jorge Semprún
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L'écrivain, scénariste et homme politique Jorge Semprún
Prix Formentor 1963, Prix Fémina 1969 , Prix Planeta 1977, Prix Vacaresco 1994, Prix J.J. Rousseau 2001

Lundi 14 avril 1997 - Attentif, charmant, passionné, Jorge Semprun est ici à son meilleur. Aucune distance. Tel que j'aurais voulu qu'il fût depuis longtemps.
Jean Daniel, "Avec le temps", page 596

Jorge Semprún, un Français né en Espagne, qui n'a jamais voulu abandonner la nationalité espagnole, un espagnol vivant en France, enterré en France et qui a écrit presque tous ses ouvrages en français... Il a tenté de cerner ce bilinguisme et ses difficultés; écrire dans une langue, c'est aussi penser dans cette langue, en acquérir les idiomes et les automatismes. Il l'a mis en scène en explorant les niveaux de langage dans son roman picaresque "L'Algarabie". [1] "Du côté de la France à 100%, du côté de l'Espagne à 99% ", avait-il coutume de dire. En somme un européen qui, à la fin de sa vie, a co-écrit un livre intitulé "L'homme européen".[2]

A l'avènement du franquisme après la chute de la république en 1939, la famille Semprún est obligée de quitter l'ambassade d'Espagne à La Haye pour se réfugier à Paris. Jorge Semprún poursuit ses études secondaires au lycée Henri IV puis des études de philosophie à La Sorbonne. [3]

Madrilène, il finit par connaître Paris mieux que sa ville natale. Privé d'Espagne pendant le franquisme, [4] ne serait-ce que par ses engagements communistes, il acceptait des missions dangereuses, heureux de pouvoir fouler à nouveau le sol natal pour quelques jours ou parfois un peu plus. Mais à la chute du franquisme, il préféra rester en France, liens sentimentaux, distanciation de liens qui à la longue se relâchent; liens familiaux aussi puisqu'il épousa l'actrice et dramaturge Loleh Bellon qui lui donna un fils en 1947 Jaime Semprún.

Le brillant élève qu'il était rejoint vite les rangs de la Résistance mais il est arrêté par la Gestapo en 1943 près de Joigny dans le département de l'Yonne. Il va entreprendre ce grand voyage qu'il racontera bien plus tard, en 1964, dans un récit éponyme, quand sa mémoire voudra bien enfin écouler les souvenirs sans trop de traumatisme. [5] Déportation à Buchenwald, Jorge Semprún transcrira son expérience, son rapport existentiel avec le Mal et cette espèce de rédemption collective à travers une autre forme de résistance dans trois œuvres essentielles parues entre 1994 et 2001, "L'écriture ou la vie", "Adieu, vive clarté" et "Le mort qu'il faut". [6]

Sa mémoire était aussi, malgré lui, quelque part dans les confins de Buchenwald où il trouvait malgré tout et en dépit de tout "de beaux dimanches", [7] où l'écriture était vitale et gage de vie. " Nous vivions ensemble cette expérience de la mort, cette compassion. Notre être était défini par cela : être avec l'autre dans la mort qui s'avançait, " a-t-il écrit dans L'écriture ou la vie." [8] Mais il restait lucide face à cette vérité, écrivant dans "Adieu vive clarté" : « La vie en soi, pour elle-même, n'est pas sacrée : il faudra bien s'habituer à cette terrible nudité métaphysique. » Dans sa recherche obstinée sur la mémoire, il constatera aussi dans le même livre : « Plus je me remémore, plus le vécu d'autrefois s'enrichit et se diversifie, comme si la mémoire ne s'épuisait pas. »

Le retour à Paris, la réadaptation à la civilisation sera difficile, comme pour beaucoup de rescapés, monde "oublié" de la liberté, quand le corps se rebelle, ne suit plus, qu'il a raconté dans son deuxième récit-roman "L'évanouissement". Il raconte en particulier l'incident qui donne son titre au livre, sa chute du train à l'arrivée en gare de Saint-Prix, petite ville du Val d'Oise où son père résidait alors.

Son dernier ouvrage paru Chez Flammarion en 2010, s'intitule "Une tombe au creux des nuages" et parle de l'Europe d'hier et d'aujourd'hui. Son titre reprend une phrase du poème 'Todesfuge', de Paul Celan adressé aux victimes des camps : « Vous aurez une tombe au creux des nuages, l'on n'y est pas à l'étroit. » Jorge Semprún avait acquis une petite propriété dans la Seine-et-Marne à Garentreville près de Nemours, où il est enterré. Si sa célèbre crinière avait blanchi, elle restait aussi drue qu'en ses jeunes années. Ses deux dernières années furent endeuillées par le décès de son frère à Paris 2009 et surtout par la mort subite de son fils Jaime, victime d'une hémorragie cérébrale en 2010. Il est décédé le 7 juin 2011 à Paris, et repose sûrement "au creux d'un de ces nuages où l'on est pas à l'étroit".

                
Montpellier 2009                                          Hommage de Costa-Gavras

Essais biographiques sur Semprún

  • Gérard de Cortanze, "L'écriture de la vie", édition Folio 4037, 336 pages, mai 2004, isbn 2070315312
  • Françoise Nicoladzé, "La Deuxième Vie de Jorge Semprún", une écriture tressée aux spirales de l'Histoire, éditions Climats, Collection Arc-en-ciel, 282 pages, octobre 1997, isbn 284158075X
  • Maria Angélica et Semilla Duran, "Le Masque et le Masqué : Jorge Semprún et les abîmes de mémoire", Editions Presses Universitaires du Mirail, Collection des Hespérides, 253 pages, 24 février 2005, isbn 2858167699 [9]

Notes et références

  1. Voir mon article : L'Algarabie
  2. Voir mon article : L'Homme européen
  3. Jorge Semprún évoque sa jeunesse à Paris dans son livre "Adieu, vie clarté." Voir mon article : Vive clarté
  4. Jorge Semprún prenait alors différents pseudonymes, dont le plus utilisé fut Federico Sánchez." Voir mon article : Federico Sanchez vous salue bien
  5. Voir mon article : Le Grand Voyage
  6. Voir mon article : Le Mort qu'il faut
  7. Voir mon article : Quel beau dimanche
  8. Voir mon article : L'écriture ou la vie
  9. Dans ces 5 textes, "Autobiographie de Federico Sanchez", "Federico Sanchez vous salue bien", "Quel beau Dimanche !", "L'Ecriture ou la vie", "Adieu vive clarté", Semprún utilise maintes formes littéraires pour affronter son expérience de la Mort, pour repriser son Moi déchiré par son vécu de Buchenwald et à travers l'écriture le retranscrire pour pouvoir transmettre et se retrouver. 

<<<<< Christian Broussas – Feyzin, 8 décembre 2012 - <<< © • cjb • © >>>>>

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